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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 16:24

Avoir peur de guérir ? Voila bien un paradoxe qui mérite toute notre attention. Et pourtant combien de psychologues et thérapeutes EMDR n'ont ils pas ressenti de l'angoisse devant les résistances de leurs patients à la guérison? Contrairement à la psychanalyse dont la durée favorise la construction de la relation entre le patient et le thérapeute, dénoue la parole, le transfert, la thérapie EMDR, celle ci brève plonge le patient dans l'horizon immédiat de la guérison. De cela, il prend peur. . Dés la première séance, réticences et perplexité se font dans les attitudes du patient. Appréhension de la guérison manifeste. Comment comprendre ce doute, voire cette peur irrationnelle ?

Echanges entre deux amies. L'une ayant subie un abus sexuel dont elle ne retient qu'une image fugace: " pourquoi ne cherches tu pas a te guérir de ce traumatisme par l'EMDR?" La réponse: " non...non...c'est cela qui(me) m'as fait tenir." D'emblée cette réflexion surprend, mais révèle le fond du problème : la lutte continuelle pour la survie contre le danger de la présence de l'expérience traumatique. Prendre le risque de guérir ne va t il pas remettre en cause la forteresse psychique et comportementale qui la protège de la blessure , du désastre ? Doit on comprendre que guérir met en péril un aménagement longtemps construit de sa vie? Ou alors la guérison signifierait la peur de perdre quelque chose de fondamental encore, le dépassement de soi. Un sens a sa vie?

Autre cas. A la fin d'une séance EMDR, au cours de laquelle le patient a opposé de nombreuses résistances, il s'inquiète de son avancé brutale vers la guérison. Il réalise que celle ci passe par une plongée dans son enfance: "on va loin et on touche quand même à des choses assez profondes..." Il ne s'y attendait pas, croyant résoudre son problème actuel en faisant l'économie de douleurs anciennes. Et voici qu'elles apparaissent, ces souffrances muettes, et prennent le prenant au dépourvu, sans crier gare. Il sent alors confusément une menace, celle de la possibilité d'une guérison dont il redoute les affres, les conséquences sur son environnement immédiat.

La peur de guérir peut avoir d'autres motivations. A cet égard, le patient qui se refuse à abandonner une partie de lui même, je veux parler de l'enfant qui est en lui et dont il veut conserver, prolonger la présence dans sa vie adulte. Les artistes s'opposent, se dressent contre la "mise au pas" de leur enfant intérieur. Grandir, c'est sans nul doute, abandonner, trahir l'enfant en soi.

D'autres résistances sont a l'œuvre dans cette peur de guérir comme par exemple la crainte de souffrir par la découverte d'une vérité qui ferait plus de mal que de bien. Il s'agit ici de préférer le statut quo a l'inconnu que peut représenter un travail thérapeutique. Le patient refuse que l'on aborde son passé, souhaitant guérir é bon compte.

Que dire de l'appréhension éprouvée par une cliente avant la séance en ces mots: " j'ai peur que la thérapie réveille plus de maux que de bien être, qu'elle aille a l'encontre du résultat recherché. Alors que la perspective de la guérison devrait me réjouir, curieusement, cela m'insécurise".

L'entreprise de guérir n'est pas chose aisée.

L'EMDR, plus que toutes autres thérapies, facilite une guérison rapide, peut être trop rapide parfois, inscrivant alors une peur au fond de soi. Une peur à dévoiler ses peurs, ses angoisses, ses souffrances intimes. Le viol d'une intimité psychique. Le processus de guérison s'apparente à un formidable tsunami, balayant tout sur son passage, mécanismes de défense, résistances et inhibitions, derrière lesquelles l'individu s'est protégé pour garder le contrôle sur sa vie.

En conclusion, si guérir , c'est mourir un peu, il convient que le patient soir bien préparé à sa guérison.

Avant tout engagement dans les étapes conduisant à la guérison, construire la relation de confiance avec le patient.

Stabiliser son état psychique et émotionnel en utilisant toutes les ressources que le thérapeute possède.

Rassurer le patient sur ce qu'il va trouver au cours de sa progression, actualiser, cet inconnu traumatique, et dont, en définitive, il n'aura rien à craindre, sinon a en guérir.

Féliciter sans réserve le patient sur son courage, le travail considérable qu'il vient d'accomplir.

Le 22 septembre 2013, Norbert zerah

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