L'empreinte de la soumission.

l’empreinte précoce de la peur.

Un vécu douloureux

Je voudrais ici rapporter l'étonnement et le trouble que j'ai éprouvé à la narration d'une scène traumatique. Celle- ci, vécue par le sujet, au cours de la petite enfance,est associée au frottement d'un piment sur ses parties génitales.

J'avais, par le passé, entendue parler de cette expérience douloureuse à l'encontre des petites filles mais cela me semblait lointain, d'un autre temps et presque irréelle. Mais cette vérité s'est présentée à moi de façon crue, à travers le récit de ma cliente.

Une pratique traditionnelle

Bien que ces pratiques soient de moins en moins pratiquées, et il faut espérer qu'elles disparaissent complètement il n'en reste pas moins vrai qu'elles laissent auprès des petites filles qui les ont subies des empreintes psychologiques considérables.

Voici les faits: l'action se passe, il y a à peine 27 ans dans un petit village de Kabylie. Samia, enfant rebelle, revient d'une escapade dans les environs. Sale, elle refuse de se laver. Alors, on va la punir de manière exemplaire. La mère, aidée par ses deux autres filles plus grandes, l'empoigne, l'immobilise et lui écarte les jambes. Elle a 5 ans et le rituel peut commencer. La mère prend un piment fort qu'elle va enfouir dans le sexe de la petite, l'y frotter pour ensuite faire la même opération sue les lèvres de l'enfant. Et c'est un va et vient entre les deux orifices. C'est interminable et l'enfant se débat, pleure, essayant de refermer ses jambes.

L'introjection d'une relation et d'une sexualité masochiste ?

Qu'est ce qui se joue derrière ce rituel ? Il faut punir l'enfant par le sexe. Ce qui doit représenter une source de plaisir et de jouissance (le sexe, les lèvres) doit être marqués par la sensation de la brûlure (piment frotté) et par conséquent du rejet. Par la suite, tout ce qui aura un lien avec les orifices ouvrants au plaisir (vagin, bouche) sera vécu comme dangereux. Il s'agit d'engranger la peur à tout jamais, dont la mère sera chargée de reproduire le schéma traditionnel. Il faut à la fois faire mal au corps de l'enfant et ancrer dans son psychisme des représentations inconciliables avec toutes manifestations de désirs sexuels futurs. Petite fille, tu seras méfiante envers les autres. Ainsi protégée par sa peur, elle n'aura de secours à attendre que d'un seul. La relation de pouvoir est instaurée par l'introjection précoce de la crainte, de la vulnérabilité, de la fragilité narcissique. Rendue malléable et docile, elle devient l'objet, soit d'une seule conquête, soit d'un marchandage. Et qui donne la sécurité, le plaisir, sinon l'autre masculin, de qui précisément il faut avoir peur. La force de la peur vient alors organiser toute la relation homme/femme, dominant/dominée.

Les traces laissées par cette expérience traumatique (parfois répétés) vont provoquer chez l'enfant une tendance à abraser ses excitations sexuelles, à les maîtriser et les contenir afin de la rendre, au moment de son mariage, pure et tremblante, devant son époux, maître absolu.

Conséquences de ces empreintes précoces

On peut comprendre, que plus tard, pour ces jeunes femmes, la confiance ne soit pas au rendez vous. L'obéissance et l'empressement à servir les autres et en particulier les hommes Car comment survivre dans le monde de la domination ?. Et toute l'activité sociale va s'en trouver orienter autour de la peur de l'autre. Des attitudes d'agressivité et des comportements de soumission excessives vont alors coexister afin de rendre tenable une telle situation. Car comment survivre dans un monde de loups? Sinon par la production et la mise en place de stratégies de défense comme le marchandage, la manipulation, la pseudo acceptation ou la feinte .L'analyse clinique de ce sujet qui a connu ce type d'expérience l'a conduit à inverser son comportement passif en son contraire, l'actif. Le sujet utilisera tous les stratagèmes et pour se sortir de cette infériorité, de cet avilissement, de cette souffrance programmée par le rituel ancestral. De ce trauma, en perçoit elle toute l'actualité dans son présent ? Exclue de la jouissance, profondément marqué par l'interdit sexuel, la jeune fille n'ira t-elle pas se venger en traitant les hommes de "chiens " ? Dans cette configuration du couple ou chacun s'emploie à asservir, dominer, mépriser l'autre, quel avenir pour l'équilibre et la pérennité de celui ci ?

Seule une thérapie pourra mettre fin à une telle déviance directement liée à ces empreintes originelles

Vie familiale et professionnelle, amis, entourage, relations sociales, toutes constellations que la femme meurtrie au plus profond de sa chair et de son psychisme aura du mal à vivre.

Soigner les blessures

Il faut le dire ici. Le traitement a été long. Il a permis à ma patiente de revisiter ce passé douloureux, d'en comprendre les ressorts. Resituer cette expérience traumatique au centre d'une tradition séculaire dont l'objectif était de protéger la femme des tentations du désir sexuel. Trois ans ont été nécessaires pour qu'une relation de confiance puisse s'instaurer, l’alliance thérapeutique crée. Nous avons alors abordé les séances de thérapie par mouvements oculaires, laquelle a débouché sur des résultats spectaculaires.

La réussite de la thérapie proposée (EMDR) a rendue à la jeune femme, par le traitement des blocages une fluidité psychique et une force d'investissement nouvelle pour construire des projets dans sa vie.

Norbert Zerah

Psychologue clinicien

Praticien EMDR

www.therapie-emdr.com

Bibliographie: page 81 de"Si tu m'aimes, guéris moi" de Tassadit Yacine.