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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 17:15

L'amnésie traumatique.
La patiente âgée de 25 ans, déclaré avoir subie de nombreuses agressions sexuelles, dont elle ne possède que peu de souvenirs. Seuls subsistent dans sa mémoire des prénoms, des visages et des lieux dans lesquels se seraient déroulés agressions, viols e tortures.


Elle vient consulter dans le cadre d'une thérapie EMDR.
A la question, que souhaitez vous à travers cette thérapie:
- avoir une vie sexuelle normale
-ne plus être dans une agressivité défensive
- me remaquiller sans me sentir harcelé par le regard des autres.
- ne plus avoir peur quand je me balade à .....
Elle ajoute aussi:
- ils m'ont torturé, m'on fait des menaces.
- ils ont des vidéos de moi.


Elle évoque aussi avoir etė victime d'invitations insistantes à boire des "verres" administré aussi sous forme d piqûres. qui l'aurait plongé dans une sorte d'évanouissement, . Est ce les "drogues du violeur" du type Rohypnol ou GHB?
Ace n autre thérapeute EMDR, elle dit avoir travaillé une expérience pénible dans lequel quelqu'un lui aurait infligé une telle piqûre dans l'épaule.


Une première séance d'EMDR s'avère tris difficile pour la patience car elle retrace une séquence de véritable torture, filmée par video, ou plusieurs hommes l'obligent à subir des actes sexuels contre nature. Elle ne sait pas qui, ni comment elle s'est retrouvée dans une telle situation.
Afin de la protéger d'un risque de répétitions de telles souffrances, nous faisons le choix, pour les séances suivantes de travailler suivantes, de pratiquer l'EMDR sur des cibles moins douloureuses.

Nous rencontrons ici une difficulté majeure, celle de l'amnésie recouvrant la plupart de ses souvenirs. Il y a bien le souvenir " d'un avant" et " d'un après"de l'expérience pénible, mais l'expérience traumatique elle même fait défaut.
Elle rapporte des faits, des paroles , des gestes d'un réseau d'amis et de relations qui indiquent qu'il y a eu attouchements, agressions et viols.
Comment expliquer ce phénomène de l'amnésie traumatique qui rend si difficile le traitement du trauma par le thérapeute?
Cette amnésie dont elle souffre, est elle liée à la prise dissimulée ou forcée de substances chimiques synthétiques ou le fait d'une dissociation de la personnalité, produite lors des agressions ?
Dans le premier cas, la prise de drogues rend impossible le souvenir de ce qui s'est réellement passé, provoquant une sensation soudaine de vertige, parfois d'euphorie, puis amnésie partielle ou totale.
Dans le second cas, il s'agit d'une incapacité à réagir devant une surcharge de stress. Effet de sidération psychique qui va paralyser la victime " empêche le cortex cérébral de contrôler l'intensité de la réaction de stress et sa production d'adrénaline et de cortisone...risque vital pour l'organisme...déclenche des mécanismes de sauvegarde...qui ont pour effet de faire disjoncter le circuit émotionnel et d'entraîner une anesthésie émotionnelle et physique en produisant des drogues dites morphine et Ketamine- like. L'anesthésie émotionnelle généré un état dissociait avec un sentiment d'étrangeté, de déconnection et de dépersonnalisation" (la dissociation traumatique et les troubles de la personnalité(Salmona 2013).


Aux deux sources de l'amnésie traumatique "s'emmêle" les cauchemars et les hallucinations qui, selon elle, peuvent être confondus avec le réel de l'expérience pénible, ce qui ajoute à la confusion. "Suis je certaine de la véracité de ces lieux, de ces moments et de l'identité de ces personnes".
L'exemple le plus frappant est la présence d'un homme mystérieux, inquiétant, qui semble associé ou pas ã toutes les agressions subies par la patiente. Cet homme " au crâne rasé" est partout, couvrant une longue période de sa vie, se glissant à quatre pattes derrière un divan, sur un parking, sur des pistes de ski, et plus récemment sur le seuil de sa porte.. Les flash bacK regorgent de scènes ou il apparaît. Ne doutons pas qu'il est joué un rôle actif dans une ou plusieurs agression, mais par la suite, pour la victime, ne porte t il pas dorénavant le " visage " halluciné , terrifiant de la violence sexuelle et de la peur?
Les cauchemars et hallucinations perçus en tant que situations ayant réellement existes compliquent la tâche du thérapeute.. Bien qu'ils traduisent, de ce passé douloureux, une forte émotion négative, de l'anxiété et de la peur, comment donc les distinguer des traumatismes vécus?
Manipulée, puis soumise par amnésie forcées et répétées, à un réseau de prédateurs informés, expérimentés, la patiente s'interroge et questionne, sans relâche et avec une belle obstination, la réalité de ses souvenirs.
Combien la tromperie, le calvaire a t il duré? Deux, trois, quatre ans ?
Il semble que la patiente ait eu la pleine conscience d'un viol, au moins un en tout cas, car la honte et l'humiliation provoquée par cet acte l'a conduite ã une tentative de suicide.
Les amnésies successives laissent penser à une fragilité psychique consécutive au phénomène de répétition de surcharge de stress. Comme si le cerveau réagissait de manière automatique pou plonger la patiente dans un brouillard opaque qui la rendait dans l'incapacité de se rappeler le fil des événements. Dans un tel état "comateux" elle se trouvait dépossédée de toutes réactions, à la merci de ses prédateurs

Qu'elle méthode de travail adoptée?:
Nous décidons de partir sur les deux pistes, celle d'agressions physiques et sexuelles subies sous l'effet d'une dissociation de la personnalité, et celle en lien avec la prise de drogues anesthésiantes par injections de piqures ou par prise boissons dissimulées ou forcées.
Bien que nous possédions, au régate des amnésies vécues, de ces " trous noirs" décrits, très peu d'éléments sur les souvenirs traumatiques, il reste tout de même chez la patiente quelque chose auquel nous accordons la plus grande importance : des lieux, des situations, des visages, des paroles, des odeurs, des sensations physiques. Il s'agit alors de faire émerger un maximum d'informations autour et sur l'agression. Il convient de nous rapprocher, au mieux, de l'événement lui même. Pourquoi ?
A l'approche de l'imminence du danger, la patiente dit "éteindre " le contact avec l'extérieur. Que produit , dans le cerveau, cette disjonction? Elle "isole la structure responsables des réponses sensorielles et émotionnelles(amygdale cérébrale) de l'hippocampe (...qui gére la mémoire et le repérage tempéro spatial, sans elle aucun souvenir ne peut être mémorisé, ni remémoré ni temporalisé). Et l'hippocampe ne peu pas faire son travail d'encodage et de stockage de la mémoire sensorielles et émotionnelle des violences, celle ci reste piégées dans l'amygdale sans être traitée, ni transformé e mémoire autobiographique. Elle va reste hors temps, non consciente...( Ledoux, 1997)
Ainsi, au cœur de la dissociation, il nous faut reconstruire pas à pas, le souvenir perdu, oublié.


A l'aide des mouvements oculaires, et par petites touches, atteindre le noyau dur du traumatisme. Accéder à la chronologie des faits, effacés par l'anesthésie émotionnelle de la victime. C'est un resserrement progressif qui demande de la part du thérapeute beaucoup de patience.
Le traitement consiste à identifier au mieux le contenu du vécu oubliė et rendre possible la reconstruction laborieuse du souvenir ?

Nous faisons donc le choix de cibler chaque événement, chaque expérience difficile et douloureuse à laquelle la patiente aurait été confronté directement ou indirectement, c'est ã dire en tant que Victime ou spectatrice. Il s'agit de rétablir des connexions neurologiques, faciliter par un tissage cognitif des liens entre les micro événements, exploiter les moindre indices du contexte dans lequel la violence a eu lieu. Explorer chaque représentation mentale dégagée afin d'en tirer le plus grand parti pour obtenir une cohérence dans une logique dans les faits subis. Oui ? Comment? Par qui ? Avant ? Après ? Car, la l'effraction, la sidération psychique n'ouvre qu'a de l'irrepresentable.
Nous avançons donc prudemment à l'aide d'un support chronologique retraçant des situations difficiles datant de la période de 12 ans environ jusqu'à aujourd'hui. Les événements cibles ne présentent encore aucun risquent de perturbations, ni de violentes abréactions. La patiente se sent, ã ce stade suffisamment accompagnée, rassurée. Deux mois s'écoulent alors quand celle ci, vient en consultation et apporte, troublée le souvenir d'une soirėe ou il se "serait passée quelque chose" victime d'un ami de son petit copain de l'époque. L'affaire date de 3 ans et la patiente, bousculant le déroulement chronologique de notre travail, souhaite que l'on entreprenne le câblage.
Une soirée dans laquelle " de faux amis" se sont montrés insistants auprès d'elle, la faisant boire peut être, avec des lieux bien précis; un divan, une chambre, une salle de bain. Nous partons avec l'ensemble des éléments fournis pour reconstruire le fil des événements, son retraitement.


Entre les frêles ou plus nettes images, les phrases entendus, les sensations corporelles, se construit enfin, malgré les trous noirs et la disjonction opérée par la patiente pour se protéger, l'expérience traumatique constituée par les agressions , les viols. Des articulations se produisent entre les éléments visuels, auditifs, cognitifs et sensoriels qui conduisent à une séquence complète.
La chronologie alors établie des faits montre la patiente spectatrice impuissante de ce qui lui arrive. Elle constate la manipulation (dans ce cas précis, une drogue lui avait etė administrée), les invitations et les gestes des agresseurs, la soumission forcée. Elle découvre avec stupeur cette rėalité dont elle n'était pas consciente. Les mots et les images de l'agression sexuelle reviennent ( termine ton verre ! viens ici..il y a deux, trois hommes...je n'ai plus rien sur moi..... C'est horrible, j'ai honte...j'ai du mal ã le dire...on me viole!)
Il faut bien comprendre qu'en aucun cas la victime, au moments des faits, a conscience de ce qui lui arrive. Elle se trouve totalement soumise aux caprices de ses agresseurs.
A force de patience, d'encouragements, et avec l'aide du retraitement EMDR, nous obtenons le dévoilement progressif de la terrible réalité.il

La situation traitėe fait soudain irruption dans la conscience de la patiente, et s'adressant à moi, avec une forte émotion dans la voix : " maintenant, je peux crier la vérité à mon agresseur, lui dire: je me souviens de tout ce que tu m'a fait" .
Cette manifestation de colère constitue un basculement vers la guérison, dans la mesure ou la pétrification antérieure fait place à l'émotion. et plus encore la mise en accusation de la victime envers son agresseur.

Les bases d'un traitement efficace contre les effets pervers de l'amnésie émotionnelle rattaché à certains traumatismes s'appuient avant tout sur une prise en charge longue ainsi que d'une alliance thérapeutique solide entre le thérapeute et son patient.
Comme nous avons tenté de le démontrer, ã partir d'un cas concret, la thérapie EMDR s'avère tout à fait adaptée à un travail de remémoration de traumatismes enfouis, effacés. Devant l'intensité de la surcharge de stress provoquée par "l'événement" ( agression physique, abus sexuel, viol) la sidération physique et psychique traduit une l'impuissance, une impassibilité à faire face, exprimer la moindre émotion. Pour survivre devant une telle attaque, il reste la panne, la disjonction d'une partie du cerveau, l'anéantissement de soi. La mémoire disparait dans un trou noir, un abîme.
Par une reconquête patiente de cette mémoire des faits, l'EMDR permet de reconstituer le fil d'une histoire, produire le retour d'une vie émotionnelle ã partir de laquelle la victime, à présent guérie, va pouvoir lutter et demander justice.
Par ailleurs, sur le plan relationnel et social, le regard et la peur des autres ont cessé comme les conduites d'évitement (ne pas lire les SMS reçus ã l'origine douteuse, ou se rendre dans des lieux dits "chauds").
Quand aux rapports sexuels avec son compagnon, alors impossibles il y a 6 mois, ils ont retrouvé , depuis, un rythme tout à fait normal.
Norbert Zerah
Psychologue clinicien.
Praticien EMDR.

Pour RdV au 06 68 49 76 03

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